Une histoire

Une histoire

De Breiderbach à Breitembach…

Le nom du village n’a guère varié au cours des siècles. Les premières mentions, « Breiderbach » en 1137 et « Breitembach » en 1303, semblent prouver que le toponyme faisait référence à l’importance des ruisseaux descendus de la montagne.

L’origine de la localité nous est évidemment inconnue. Dès l’époque romaine, et probablement bien avant, l’importante Via Salinatorum, une route du sel, passait par l’actuel et proche St Martin pour relier le Centre-Alsace et les salines lorraines de Marsal, par des localités comme La Salcée, Sâales ou Saulxures qui conservent aujourd’hui encore les traces de ce commerce dans leur nom. A proximité de cet axe majeur, les beaux versants cultivables exposés au midi, les vastes forêts du massif et la puissance hydraulique des cours d’eau ont probablement encouragé l’installation de quelques foyers dans le secteur. Il est en tout cas acquis que la très proche abbaye de Honcourt-Hugshoffen, fondée vers l’an 1000 selon la tradition, rivalisait déjà avec d’autres abbayes pour y percevoir une dîme en vin probablement rémunératrice.

Scieries et forêt

L’inventaire des propriétés des Habsbourg, établi en 1303, mentionne ici deux importantes scieries, alors arrêtées en raison des dégâts qu’elles provoquaient en forêt ; c’est dire leur ancienneté. Les historiens s’accordent à voir dans ce document la plus ancienne mention connue de scieries en Alsace. On peut imaginer qu’elles étaient alors implantées sur l’actuelle Place de l’Ancienne Batteuse (ancien étang de retenue d’eau en amont), et peut-être à l’emplacement du moulin en aval du village, là ou le débit et la force hydraulique du ruisseau sont les plus marqués.

Du Moyen-âge à la Révolution

Tout le Moyen-âge (et jusqu’au XIXe siècle) sera marqué par le conflit puis l’interminable procès concernant la propriété et l’usage de l’imposant massif forestier du « Hochwald » s’étendant de l’Ungersberg au Champ du Feu. De par sa situation géographique, Breitenbach était aux premières loges. Nous y reviendrons par ailleurs.

Le Moyen-âge est bien évidemment aussi marqué par toute une série de vicissitudes guerrières qui ont concerné l’ensemble du Val de Villé. 1444 : probables passages et pillages par les « Armagnacs » stationnés à Châtenois, mercenaires laissés désœuvrés par la fin de la Guerre de Cent Ans. 1525 : révolte paysanne, lorsque le « Bundschuh » (soulier à lacets) devient l’emblème des hordes paysannes qui attaquent et pillent Honcourt. Ils seront massacrés à Scherwiller le 20 mai 1525 par les troupes du Duc de Lorraine qui regagne ensuite ses terres en passant par la vallée. Les villages seront sévèrement mis à l’amende par les Habsbourg pour leur implication. Mais c’est probablement la Guerre de Trente Ans (1618 – 1648) qui sera la plus dévastatrice. Le Val de Villé est touché en 1633 par le passage des terribles « Suédois ». Leur férocité et leurs exactions restent gravées dans la mémoire collective. A l’issue du conflit, la vallée est quasiment dépeuplée et abandonnée. Certains villages ont disparu, les autres ne conservent que quelques rares foyers. C’est également le cas de Breitenbach, au moment ou le traité de Westphalie (1648) voit le rattachement de l’Alsace au Royaume de France. Louis XIV encourage la reconstruction et favorise l’arrivée et l’installation d’immigrants venus d’horizons proches ou lointains. Peu après arriveront également des agriculteurs mennonites (ou anabaptistes) chassés du canton de Berne du fait de leur religion. On leur attribuera des terres à défricher et à mettre en valeur. Ils font souche au Climont, mais aussi dans le massif du Champ du Feu, aux Métairies, mais surtout au Hohwald où leur communauté persistera longtemps avant de retourner au Protestantisme réformé.

Breitenbach est l’un des seuls villages du Val à conserver un nombre significatif de linteaux de portes datant d’avant la Guerre de Trente Ans, la majorité d’entre eux portent néanmoins des millésimes du XVIIIe siècle, un petit âge d’or après la reconstruction et la reconstitution d’un vignoble installé de longue date.

La Révolution de 1789 apporta certes son lot de peurs et quelques troubles ; mais Breitenbach reste bien plus épargné que d’autres villages comme Neuve-Eglise qui vit l’arrestation et la décapitation de son prêtre réfractaire, l’abbé Stackler. A Breitenbach, le curé Stemm fut mis à l’abri par ses paroissiens, et la tradition veut qu’il baptisait les nouveau-nés en cachette quelque part dans la montagne …

Explosion puis déclin de la population

Le XIXe siècle connaît une explosion démographique sans précédent. Pour survivre, la population exploite toutes les ressources potentielles du lieu : l’agriculture (y compris les « kritter » ou « stirpoux », cultures temporaires sur brûlis jusqu’au Pelage, à plus de 900 m d’altitude, là ou les anciens pâturages communaux ont été reboisés depuis), la viticulture (70 ha de vigne avant le phylloxéra) les travaux forestiers, le tissage à domicile (28 métiers en 1870), sans oublier bien sûr la distillation des cerises qui a donné lieu en 1838 à un violent soulèvement des bouilleurs de cru qui refusèrent l’instauration d’une taxe. L’émigration, vers la France après l’annexion de 1870, ou vers l’Amérique, diminuera quelque peu la misère endémique, souvent teintée d’alcoolisme, au moment même ou Breitenbach consacre en 1892 une nouvelle et monumentale église … alors que la dépopulation ne le nécessitait déjà plus ! Mais c’était une époque où une bonne partie des chargés d’âmes de la vallée rivalisait pour, chacun à son tour, obtenir un nouveau sanctuaire. A Breitenbach, quelques coupes exceptionnelles dans la forêt communale facilitèrent les travaux.

La seconde moitié du XIXe siècle vit également la « scission » du Hohwald où la communauté mennonite-protestante, désormais forte de près de 300 habitants, rechignait à descendre au village où résidait l’autorité. Ce fut d’abord une paroisse qui y fut créée, et Breitenbach dut contribuer à la construction de son église, puis une commune indépendante vit définitivement le jour en 1867. Son nouveau territoire amputait les bans communaux de Breitenbach, Albé et Andlau. La station deviendra rapidement un lieu de villégiature réputé et recherché par la bourgeoisie strasbourgeoise.

La Grande Guerre coûta la vie à 28 hommes du village, au moment même où leurs bras auraient aussi été utiles dans l’industrie textile qui se développait sous l’impulsion du Groupe FTV – Marchal. Un tissage vit le jour au village en 1926, employant une centaines de personnes dont nombre de femmes. Comme la majorité des autres usines textiles du Val, elle fut victime de la grande crise de l’été 1956 et connut une difficile reconversion (Plastiques, puis Egelhof).

Breitenbach aujourd’hui

Comme toutes les dix-sept autres communes du Canton, la commune de Breitenbach s’est impliquée dans l’intercommunalité (SIVOM puis COMCOM) qui a permis de redynamiser une vallée sinistrée. En parallèle, la commune s’est engagée également dans le développement d’un tourisme familial et dans la restauration d’une agriculture durable et de qualité produisant une large gamme de produits du terroir.