Le moulin de Breitenbach : à la force de l’eau

Le moulin de Breitenbach : à la force de l’eau

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Bien sûr, il n’est plus exploité, mais l’ouvrage est toujours en place, gardé par les 2 familles qui ont acquis les lieux il y a une trentaine d’années. « Quand nous sommes venus ici, tout était à refaire » explique Marouschka, l’une des propriétaires.  » C’est une très vieille maison, d’ailleurs le linteau de l’entrée porte la date de 1535. Le fossé où tournait la roue était devenu une décharge ! La rénovation s’est faite en 3 étapes. En creusant pour édifier le garage, nous avons retrouvé une couche de cendres. Le moulin était-il doublé d’une scierie ? On ne sait pas. Après le départ du meunier, les différents acquéreurs ont certainement été découragés par l’ampleur des travaux et les locaux d’habitation abritaient des chèvres à l’époque du dernier locataire ! »

Paulette et François, les enfants du meunier, se souviennent: « Notre grand-père, Paul Rohr, possédait déjà un moulin à Faulquemont. Dans les années 1850, il a appris qu’un moulin serait à vendre à Breitenbach. La famille a déménagé, habitant d’abord à Saint-Martin, puis s’est installée au moulin. Le fils Camille, né en 1906, a pris sa succession. »

Un acte de propriété atteste que le moulin est titulaire d’un droit d’eau, droit qui généra des conflits durant un temps. Au début des années 40, Camille et son épouse faisaient encore tourner le moulin à farine situé au rez de chaussée. Il y avait donc 2 roues. « Le meunier pesait le blé, échangé contre le poids de farine correspondant. Le réservoir qui recevait le grain ne devait jamais être vide. Il fallait l’alimenter toutes les 3 heures environ, même au milieu de la nuit. Une sonnerie servait de signal. Rien ne se perdait, le son était récupéré pour les bêtes. »

Le moulin à huile était en activité jusqu’en 1954 et servait à presser noix et graines de colza, aussi bien pour les villageois que pour les habitants des environs, on venait de Saint-Martin ou de Scherwiller. Les noix de l’année étaient cassées en hiver, durant les veillées. En 1900, 292 noyers sont recensés sur le ban communal ! Après le pressage, il restait un tourteau dont raffolaient les animaux et…les hommes.  » Si nous prenions un seul cerneau, nous nous faisions corriger » raconte François.

La même meule en pierre écrasait aussi les graines de colza qui nécessitaient un 2ème pressage.

L’huile, récupérée dans des récipients en métal à long bec, dans des bonbonnes en verre ou des poteries, était entreposée dans la pièce la plus froide de la maison. « On économisait, il fallait qu’elle suffise pour l’année » témoignent les anciens.

Les engrenages, en bois de charme en raison de sa dureté, étaient fabriqués et entretenus par le meunier. Sur le haut de la tige en bois de la presse, il inscrivait le nom des personnes qui n’avaient pas réglé leur dû.

Quelques anecdotes cocasses émaillent le récit des anciens occupants. »Notre grand-père dormait dans la chambre au-dessus de l’huilerie. La vis sans fin du mécanisme frappait contre le sol de cette pièce ; il se réveillait quand le moulin tournait. » Et l’énergie hydraulique servait aussi à faire tourner la scie à ruban ou la baratte à beurre. « Lors du premier essai, le père a soulevé le couvercle trop tôt et il s’est trouvé aspergé de crème de haut en bas ! » Autre souvenir, moins drôle : la prolifération des rats, vu la proximité de l’eau.

Les revenus du moulin ne suffisaient pas à faire vivre une famille, le meunier devait aussi travailler en entreprise.

Lucienne Fahralender